Aujourd'hui à 15 heures Patrick Simon (INED) et
moi-même débattons sur le thème
"
l'utilisation des catégories ethniques dans les
enquêtes
statistiques : à partir du
débat des démographes " dans le cadre du
séminaire
"Immigration, xénophobie
et Front National" (groupe Banlieue) du Centre d'étude de la
vie politique française (CEVIPOF) de la Fondation nationale
des sciences politiques.
Une partie de mon propos
s'appuiera sur le texte suivant joint en
document attaché.
Sandrine Bertaux a
raison de mettre en évidence des contradictions dans le
discours de certains. Ainsi, on l'a vu pour l'usage du mot
"asssimilation" chez les démographes. Il semble utile de
rappeler ici quelques citations qui permettent de comprendre un peu
mieux ce qui apparaît finalement être la posture
intellectuelle de plusieurs de nos interlocuteurs: ";La
tradition universaliste française privilégie les
qualités individuelles et non les qualités collectives:
il n'y ;aurait ;pas de traits culturels, ethniques,
religieux faisant obstacles à l'assimilation
(...)"
et
"L'alchimie sociale qui produit
l'assimilation dépend plus de l'attachement de l'Etat,
relayé par les institutions, aux principes fondateurs, que des
bonnes volontés individuelles
(...)"
mais,
"il s'avère nécessaire
de construire une observation correcte de la réalité,
ce que l'entêtement dans l'usage de catégories
sanctifiées par la République ne permet pas
d'atteindre. L'élite savante peut continuer à parler
à parler en termes de nationalité
(étrangers/Français) et garder bonne conscience, son
discours est réinterprété par l'opinion publique
qui ne place pas la frontière au même endroit (...) On
n'a rien à gagner à cultiver le malentendu, par une
rigidité excessive;".
M. Tribalat, "De la
nécessité de reformuler la question de l'immigration en
France" (version 1 publiée in ;L'année sociale,
1997;).
Et dans la revue de la SEDEIS
;Sociétal;, à propos des statistiques
publiques, M. Tribalat regrette ";L'entêtement dans le
recours à la catégorie des étrangers pour cerner
la diversité des populations apportées par
l'immigration;".
Au delà de la
contradiction et de l'inexactitude relevées par
François Héran sur ce qu'on a fait avec les
données de l'INSEE depuis des années, et au delà
de la non-problématisation du rapport des chercheurs avec des
données administratives publiques,
on voit un
paradoxe: la réussite de l' "assimilation", manifestement
souhaitée par M Tribalat, dépendrait de l'attachement
de l'Etat et de ses institutions à ses principes fondateurs,
mais il faudrait en même temps, selon elle, que ces
institutions y renoncent dans les représentations qu'elles
fournissent et qui participent à la décision des
politiques.
Il n'y a pas conformité entre
la situation sociale et l'idéal du modèle
républicain (il y a en effet divergence, les
inégalités le montrent). C'est justement parce que l'on
a aucune garantie sur le fait que les "qualités" des citoyens
empêchent l'échec de l'intégration que l'on a des
lois pour réprimer la violence ou "la force du
préjugé raciste", ou pour assurer des droits
individuels aux uns et aux autres. Peut-être faut-il renforcer
les droits (le droit) pour parvenir à ces fins. C'est aux
citoyens de le décider, tout comme ce serait à eux de
décider de renoncer à certains des principes
républicains qui justifient la pratique actuelle de la
statistique publique, s'ils veulent la
changer.
Mais je crains aussi qu'il soit fait
allusion, dans, la première citation ;à
;des ;"qualités"
;essentialisées ;("individuelles" et
"collectives") ;des personnes issues de l'immigration (tout
comme pour les ;"traits culturels, ethniques, religieux")
;et non aux "qualités" des personnes (celles qui
discriminent par exemple) dont le comportement, issu de
;leurs; "qualités" (de plus ou moins grande
ouverture aux autres, par exemple), fait que les traits "culturels,
ethniques ou religieux" des personnes issues de l'immigration soient
par conséquent, pour ces dernières, un "obstacle"
à leur intégration (ou "assimilation" pour parler comme
l'auteur). Le conditionnel "aurait", dans ce cas, laisse
malheureusement possible toute sorte d'interprétation dont la
mal-compréhension de ce que suppose le modèle
universaliste français.
Il y
;aurait; alors un point commun dans l'approche de
l'assimilation développée à l'INED et dans celle
de l' "assimilabilité" différentielle
développée par d'autres (Massenet in Dupâquier,
par exemple): l'assimilation dépendrait surtout des pratiques
et plus ou moins grandes qualités individuelles
-intrinsèques ou non- de certaines personnes résidant
sur un territoire, mais pas autant de celles de tous les
résidents, nationaux ou non, immigrés ou
non.
La négation du fait national
(citoyenneté) et la négligence des comportements des
membres de certains groupes (les prétendus "Français de
souche") dans les ouvrages publiés par l'INED (mais pas dans
les propres travaux de Patrick Simon, dont sa thèse) tendent
à confirmer cette
analyse.
Cordialement à
vous,
Meilleurs Voeux pour les fêtes de fin
d'année
Jean-Luc
RICHARD